Parmi les termes en vogue dans l’univers du management et de la transformation, l’intelligence collective (IC) occupe depuis quelques années une place importante. Cependant, du simple recours cosmétique, qui apporte une touche participative et créative à un projet, à la mise en place d’une démarche plus profonde permettant d’utiliser le formidable potentiel collectif, il existe tout un nuancier de recours à l’intelligence collective. Dans les approches classiques de l’accompagnement des transformations, la facilitation de séquences d’intelligence collective contribue fortement à la connaissance mutuelle, à la co-construction des livrables et à l’embarquement des personnels dans le changement. Elles relèvent d’une intelligence collective que nous pouvons qualifier de « type 1 ». L’expérience nous prouve que, sous certaines conditions, nous pouvons passer à une facilitation « augmentée », qui pourrait être qualifiée d’intelligence collective augmentée de « type 2 ».
L’intelligence collective de type 1 : utile mais parfois limitée
Les consultants, facilitateurs, coachs et autres coachs agiles s’appuient tous, avec plus ou moins d’originalité, sur une multitude de techniques d’intelligence collective pour introduire une dimension collaborative et participative dans leurs accompagnements. La plupart sont désormais banalisées : cercles de paroles, ateliers collaboratifs (forums ouverts, world cafés…), sessions de co-développement. Autant de dispositifs (auxquelles on pourrait ajouter d’ailleurs dans certains contextes les méthodes agiles), certes performants quand ils sont correctement utilisés, mais surtout désormais surutilisés et trouvant rapidement leurs limites.
Au-delà de ces « techniques » éprouvées, d’autres approches globales d’IC, moins connues et plus difficiles d’accès, permettent d’enrichir l’accompagnement des transformations. Pour en comprendre la nature et la valeur ajoutée, il importe de faire un détour par ce qu’est, fondamentalement, l’IC.
Si l’on en juge par le nombre et l’hétérogénéité des définitions qui existent, partiellement recensées par Olfa Gréselle-Zaïbet1, la notion d’intelligence collective » est loin de faire l’unanimité. Chez Ki Leaders, nous apprécions à cet égard l’apport d’Olivier Piazza dans son ouvrage Découvrir l’intelligence collective2.
L’auteur met en avant la définition de David Welsher : « une intelligence peut être nommée comme collective, quand elle implique l’effort mental d’un groupe et non d’un individu ». Piazza souligne surtout à quel point ce type de démarche va au-delà de l’apport de réponses créatives à un défi posé, pour faire émerger des perceptions et/ou intuitions non accessibles quand on travaille seul. Cette émergence s’appuie sur les effets de résonance produits par les interactions entre les membres, mais surtout sur la mobilisation de différents niveaux « d’intelligences » : intrapersonnelle, interpersonnelle, naturaliste, linguistique, kinesthésique…
Un premier pas vers l’IC de type 2 : élargir le champ des possibles
En termes d’intervention, pour aller au-delà des acquis, une première possibilité consiste à convoquer d’autres approches ou méthodes d’intelligence collective, plus riches que les techniques rappelées précédemment. Parmi les plus intéressantes, par ordre de complexité accrue :
- Les Liberating Structures3, qui au travers de 33 outils facilitent une évolution des modalités d’échanges et de travail, sous un format ludique et aisément diffusable.
- Des dispositifs interentreprises innovants tels que le SwitchLab4, qui permet à des équipes issues d’organisations différentes de faire traiter leur problématique par d’autres équipes.
- Le Design thinking, qui plus qu’une méthode prône un changement complet d’état d’esprit afin de favoriser l’innovation.
- La théorie du U d’Otto Scharmer, pour travailler sur l’accès à un champ de conscience qui permet l’innovation organisationnelle.
Mais il est possible d’aller encore plus loin pour donner toute sa puissance à l’IC dans le cadre de projets de changement complexes. L’adoption d’une posture et d’une pratique de coaching d’organisation est l’opportunité de dépasser, pour l’enrichir, la classique fonction de facilitation de sessions collaboratives.
Le coaching d’organisation : vers une intelligence collective augmentée
Notre pratique consiste à mobiliser, en parallèle des outils et techniques de facilitation habituels, des approches complémentaires issues de disciplines variées. En fonction du contexte, de la culture de l’organisation, de ces attentes et de sa maturité transformationnelle, il est pertinent de s’appuyer sur des approches telles que l’Élément Humain®, la systémique, la sociologie des organisations, la théorie organisationnelle de Berne, la sociodynamique ou, encore la thérapie sociale. En effet, la mobilisation de telles approches enrichit les traditionnelles séquences de travail collaboratif au travers des éclairages et/ou déblocages qu’elles apportent à certaines étapes de la démarche de changement. L’intelligence collective s’en trouve alors « augmentée ». Plusieurs bénéfices apparaissent :
- Identifier les causes profondes des problèmes de l’organisation et mettre en lumière les axes de progrès collectifs afin de mieux le traiter, ensuite, en format collaboratif ;
- Mettre à nu les schémas relationnels dysfonctionnels et les divers jeux de pouvoir bloquants (systémique, sociologie des organisations) afin de demander à un collectif de résoudre les « vrais » problèmes et pas seulement des symptômes ;
- Dépasser les freins individuels liés au changement de paradigme requis pour basculer plus aisément en format intelligence collective ;
- Contribuer à l’augmentation du niveau de perception du collectif accompagné au travers d’approches différenciantes (ICO, constellations…) et de l’adoption d’une posture « méta » ;
- Accompagner la montée en capacité à agir et à décider du collectif, tout en renforçant l’engagement des équipes pendant la période de conception comme dans celle de mise en œuvre d’une transformation ;
- Assurer un transfert de compétences de facilitation « augmentée » pendant l’accompagnement (par exemple auprès d’un réseau d’ambassadeurs), afin de donner aux équipes la capacité à démultiplier la puissance du collectif lors des futurs projets.
Et vous, dans vos transformations, pensez-vous pouvoir mobiliser cette « intelligence augmentée », de 2e type, dont ont désormais besoin les organisations ?
Article écrit par Vincent Minaud – expert en accompagnement des transformations d’organisation
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- « Vers l’intelligence collective des équipes de travail : une étude de cas », Management & Avenir, 2007. ↩︎
- Interéditions, 2018, p.4. ↩︎
- Voir https://www.liberatingstructures.fr/. ↩︎
- ean-Yves Guillain, David Autissier, Le SwitchLab. Accélérateur des projets interentreprises, éditions EMS, 2019. ↩︎