Oui, mais pas n’importe comment !
Depuis que les organisations s’inquiètent, enfin, de la réussite de leurs projets de changement, l’exigence « d’embarquer » l’ensemble des collaborateurs dans une démarche de transformation est devenue une évidence. L’humain, longtemps négligé dans le passé par les commanditaires et porteurs de projets de changement (au nom de la loyauté, du contrat de travail ou du respect de la hiérarchie), est désormais sur le devant de la scène. Les personnels ne sont plus vus comme des cibles ou des destinataires du changement souhaité, mais des acteurs quasi co-responsables. Les collaborateurs deviennent « collabor’acteurs ».
Les défis de l’engagement des collaborateurs dans une transformation organisationnelle
Le défi le plus important pour transformer son entreprise ou sa collectivité est donc d’entraîner l’ensemble des collaborateurs dans le changement. Il est vrai que se transformer, dans la mesure où cela touche à l’ADN de l’organisation – i.e. ses valeurs, croyances, normes, pratiques…-, revient fondamentalement faire évoluer sa culture. Qu’il s’agisse d’une transformation digitale ou managériale, voire d’une réorganisation, si les mindsets et les modes de fonctionnement ne suivent pas au quotidien, le risque d’échec est grand. Sans compréhension, sans mobilisation, sans engagement, beaucoup de personnels peuvent rester à quai.
La prise de conscience du facteur humain, clé de la réussite
On a assez omis le facteur humain dans maints projets pour ne pas se réjouir de cette prise de conscience. Il est bon que les transformations soient accompagnées, sur toutes les phases de leur déploiement, d’une communication efficace, notamment pour le « donner sens » du changement (cap, objectifs, jalons).
Les actions concrètes pour susciter l’engagement
Cela s’avère souhaitable que les personnels participent à la démarche pour ne pas la subir et la rejeter. Il devient clé de les former et de les accompagner dans ce passage d’un état initial à un état cible désiré. D’autant que ce dernier est souvent flou et généralement non atteignable à 100%.
5 conditions clés pour un embarquement réussi des collaborateurs
Pourtant, au regard des pratiques actuellement observées, quelques remarques s’imposent au sujet du soi-disant « embarquement » des collaborateurs :
- L’illusion d’embarquer tout le monde dans le changement
D’abord, il est illusoire de vouloir et, surtout, de pouvoir embarquer tout le monde. Les divergences d’intérêts, les stratégiques personnelles, expliquent qu’il y aura toujours, face à un projet, même souhaitable et pertinent, des résistants et des opposants. Les apports de l’approche socio-dynamique indiquent qu’un projet échoue non pas du fait de ses opposants mais d’un manque de synergie.
- Identifier des contributeurs clés pour créer un effet d’entraînement
Plutôt que de vouloir embarquer tout le monde, les décideurs et les porteurs de démarches de transformation ambitieuses doivent plutôt veiller à identifier des contributeurs clés – en se méfiant de ne choisir que des « bons élèves ». Ils auront la mission de donner envie à d’autres personnels de suivre leur exemple. D’où le temps qui doit être consacré à la définition d’une stratégie adéquate des alliés, au travers d’un réseau « d’agents du changement » ou d’une communauté « d’ambassadeurs » qui va constituer un noyau d’acteurs moteurs et engagés.
- Organiser judicieusement les sessions participatives pour éviter frustration et déception
Les jalons participatifs et collaboratifs, sur la base si possible du volontariat, doivent être pensés et organisés à bon escient. En jugeant avec précision les apports attendus de telles sessions d’intelligence collective. Organisées trop tôt, alors que les ambitions ne sont pas encore établies, elles peuvent créer de la confusion, voire de la frustration, chez les participants. Collecter des idées et propositions sans indiquer la manière dont celles-ci vont être agrées, priorisées et validées est source de déception si les contributeurs s’aperçoivent qu’in fine qu’aucune de leurs suggestions n’est retenue ou qu’aucun retour ne leur est fait sur les choix réalisés et a raison d’être des arbitrages.
- Adopter une approche itérative pour respecter les rythmes de chacun
Tous les acteurs (direction, actionnaires, élus, managers, collaborateurs…) n’en sont pas toujours au même point de la réflexion et de la mise en œuvre du changement. Ils n’ont d’ailleurs souvent même pas le même point de départ. Tactiquement, donc, des démarches itératives faites d’aller-retour, de boucles d’apprentissage et d’expérimentations localisées, sont nécessaires pour, au final, ne pas « perdre de wagons » et permettre à chacun de faire à son rythme son chemin de transformation. Sans pour autant vouloir forcément les rattacher tous au même moment !
- Impliquer les managers en amont, acteurs clés de la transformation
Enfin, intégrer les managers au plus tôt des process de transformation est déterminant. Tout manager se trouve dans une position particulière lors d’un changement : il doit accompagner ses collaborateurs tout en changeant lui-même. Dans une démarche de changement, suivant la règle de départ de tout marathon qui veut que tous les coureurs ne soient pas les uns à côté des autres sur la ligne de départ (certains sont devant, d’autres derrière), il importe de donner un temps d’avance aux différentes strates managériales. Plus on est haut dans la hiérarchie, plus on est censé changer tôt et rapidement. Pas parce qu’on est plus apte au changement que les autres, mais parce qu’on est plus proche des centres de décision et que l’on a une mission majeure à jouer dans un processus transformationnel. Embarquer les collaborateurs dans le changement, c’est donc en premier lieu embarquer la ligne managériale.
Article co-écrit par Jean-Yves Guillain et Vincent Minaud – experts en accompagnement des transformations d’organisation
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